À Montréal, quand le CH entre en séries, toute la ville s’habille en bleu blanc rouge. Fanions, vitrines décorées, rabais dans les commerces, couverture mur à mur dans les médias — même les autobus y vont d’un « Go Canadiens Go ». C’est une langue commune, une célébration de notre identité.

Et pourtant, la Victoire a dominé la saison régulière de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) et terminé au sommet du classement, Montréal est restée (presque) muette. Sa capitaine, Marie-Philip Poulin, a conclu l’année en tête des buteuses de la ligue. C’était quand, la dernière fois qu’un joueur du CH a réalisé un tel accomplissement ? Et dimanche dernier, c’est Catherine Dubois, une Québécoise, qui a libéré son équipe d’un match marathon en marquant en quatrième période de prolongation pour égaliser la série contre Ottawa. Ça mérite une ville à la hauteur de ces exploits, une ville capable de vibrer avec son équipe.

Les exemples de ce double standard sont trop nombreux pour être ignorés. Florence-Agathe Dubé-Moreau, autrice de l’essai Hors jeu. Chronique culturelle et féministe sur l’industrie du sport professionnel, a d’ailleurs utilisé ses plateformes la semaine dernière pour interpeller la STM à savoir pourquoi un « Go! Victoire Go! » ne figurait pas sur les autobus de la Ville de Montréal, comme on venait de le voir pour le CH durant les séries de la LNH. 

Cette sous-représentation médiatique, culturelle et sociale a des conséquences concrètes. Visibiliser le sport féminin, ce n’est pas symbolique. C’est essentiel. C’est affirmer une valeur fondamentale : l’égalité. Les recherches sont claires : plus on diffuse et valorise ces exploits, plus les jeunes filles s’y identifient. Plus elles participent. Plus on tend vers l’égalité réelle (ref: Statut de la femme). C’est un levier essentiel pour promouvoir l’égalité et encourager la participation active des femmes et des filles dans toutes les sphères sportives.

Comme ville, Montréal se dit inclusive et progressiste. Tant qu’on ne célèbre pas nos équipes féminines avec la même ferveur que les masculines, on perpétue un déséquilibre important. La Ville de Montréal pourrait hisser les drapeaux de La Victoire à l’hôtel de ville, installer des écrans géants dans les parcs, créer un grand rassemblement public. Le premier ministre du Québec, qui ne cache pas sa passion pour le hockey, pourrait porter fièrement le chandail de l’équipe, ou même oser assister à un match, comme Manon Massé l’a si bien déjà fait. 

Et ce n’est pas qu’une question d’institutions. C’est une culture entière qu’il faut repenser ; une culture où la performance sportive féminine soulève le même enthousiasme collectif qu’un but du CH en séries.

Médias, villes, entreprises, partisan. e. s : il est temps de revoir notre posture. Il est temps de faire mieux. Parce que ce que l’on célèbre ensemble façonne ce que l’on valorise. Et ce que l’on valorise finit par devenir la norme. Exigeons mieux. Agissons mieux. Ensemble.

La Victoire pourrait se qualifier pour la grande finale de la LPHF dès cette semaine. C’est le moment pour tout le Québec de se mobiliser, d’élever nos joueuses, de les inspirer par notre soutien. À Montréal, des lieux comme le resto-bar L’Idéal diffusent déjà les matchs de la Victoire sur la route et le Nadia a aussi facilité certaines diffusions. Les lieux qui présentaient les matchs du CH devraient emboîter le pas, eux aussi. C’est le temps de promouvoir et de célébrer ces affrontements cruciaux et de contribuer, ensemble, à rafraîchir la culture sportive d’ici.

Où sont les concours, les promos, les activations des commerces et radios qui font battre le cœur des partisans ? Quelques médias ont répondu à l’appel, mais trop timidement. Les lignes éditoriales de plusieurs médias spécialisés restent figées. D’autres pourraient injecter une dose d’effervescence bienvenue dans une actualité plutôt morose. Des exemples ?

• Personnalités publiques : suivez l’exemple de Véronique Cloutier et affichez votre appui sur vos plateformes ; 

• Commerçants : un clin d’œil dans vos vitrines ;

• Citoyen.ne. s : GO. Allez suivre La Victoire sur ses médias sociaux, encouragez notre équipe. Suivez nos joueuses, envoyez vos messages de soutien. Rassemblez-vous ;

• Écoles : embarquez, mobilisez vos élèves avec des projets thématiques (affiches, soirée de diffusion…)

• Médias : sortez de vos habitudes ;

• Et à la STM (et à la STL) et à toutes les institutions publiques : La saison des Roses vient de commencer. Si vous y pensez maintenant, vous serez peut-être prêts à temps pour leurs séries.

Faisons mieux. Célébrons mieux. 

Non seulement ça fait du bien, mais ça envoie un message fort : que notre ville, notre société reconnaît, enfin, la performance sportive féminine au même titre que celle des hommes.

Claudine Labelle, fondatrice, Fillactive (initiatrice)
Florence-Agathe Dubé-Moreau, autrice et chroniqueuse (initiatrice)
Katia Aubin, fondatrice, Pivot collectif (initiatrice)